Appel à communicationsLes normes interrogées par le handicap Conférence Alter EHESP, Rennes, 8-9 avril 2021 Appel à communications Suite à l’annulation de la Conférence Alter 2020 dans le contexte de la pandémie de COVID 19, nous relançons l’appel à communications sur « les normes interrogées par le handicap » en vue de la Conférence Alter 2021 : celle-ci aura lieu à Rennes les 8 et 9 avril 2021. A cet appel dont la thématique nous paraît plus que jamais d’actualité, nous ajoutons la possibilité de proposer des communications en lien avec la crise sanitaire et sociale que nous traversons en raison de la pandémie de COVID 19 (voir à la fin de l’appel). Les propositions acceptées en 2020 seront automatiquement acceptées sans nouvelle évaluation (sauf modification majeure). Il faudra cependant les déposer sur le site Alter2021 pour manifester votre intention de participer. Les nouvelles propositions sont bienvenues. Cette conférence est prévue en présentiel, sous réserve de l'évolution de l'épidémie et des contraintes de déplacements et de regroupement qui pourront nous contraindre à envisager des modalités alternatives d'organisation. * * * Cet appel à communications s’adresse à tous ceux et celles qui sont engagé·e·s dans les recherches en sciences humaines et sociales sur le handicap et la perte d’autonomie : conception et animation de la recherche, enquête de terrain, valorisation scientifique, etc. Les réponses pourront s’inscrire dans l’ensemble des domaines sociaux (éducation, emploi, culture et loisirs, logement, transports, aides humaines et techniques, participation politique, vie affective et sexuelle, etc.). Cette 9e Conférence propose d’interroger la construction de la normalité et, plus globalement, le système de pensée qui structure nos sociétés, selon lequel être « valide » serait la norme, au double sens de la situation la plus répandue et la plus souhaitable. Cette perspective critique entend ainsi mettre en évidence la manière dont nos sociétés sont structurellement construites en référence à cette figure de l’individu valide. Si l’injonction récente à construire des sociétés inclusives semble signaler un tournant radical, qu’en est-il concrètement ? En a-t-on réellement fini avec les représentations tendanciellement négatives, défectives, voire tragiques, du handicap ? Les figures « héroïsées » du handicap, devenues omniprésentes dans l’espace public, ne prolongent-elles pas (en les inversant) ces approches du handicap comme écart à la norme ? Un intérêt particulier sera porté au concept de « validisme » (ableism)[1]. Fiona Campbell (2001) le définit comme un « réseau de croyances, de processus et de pratiques qui contribuent à produire une norme corporelle, correspondant à des caractéristiques spécifiques mais qui se trouvent projetées comme la manière d'être parfaite, typique de l'espèce et finalement la seule pleinement humaine. Le handicap est alors présenté comme une forme altérée d'humanité ». Les usages contemporains étendent la notion à la construction de normes psychiques, cognitives ainsi qu’en général à la construction de normes de santé. À l’image d’autres biais – tels que l’ethnocentrisme – le validisme opère de façon systémique et souvent impensée. Depuis la fin des années 1990, ce concept gagne les sphères militantes dans le champ du handicap, et celles du champ scientifique (initialement dans les pays anglo-saxons, et inégalement dans d’autres zones géographiques ou linguistiques). Quoique le questionnement du point de vue validiste structure le champ des disability studies, ilreste encore confiné à certains espaces et courants de la recherche sur le handicap que ce colloque souhaite élargir. Dans quelle mesure cette notion est-elle éclairante pour comprendre et interroger la construction de la normalité à l’œuvre dans nos sociétés et dans nos recherches ? Qu’apporte cette notion de validisme au regard d’autres conceptualisations du handicap : discrimination vs égalité, ségrégation vs intégration/inclusion, oppression vs émancipation/capacitation ? La critique développée en mobilisant la notion de validisme semble porter au-delà du champ du handicap – ou identifié comme tel en un sens restrictif – et interroger plus globalement les inégalités de santé ou de différences de capacité. Elle rejoint par exemple les analyses des sociologues du vieillissement qui ont souligné la prégnance de la norme de la personne jeune, active et autonome et des représentations des personnes âgées comme « dépendantes » pour montrer les différentes formes d’âgisme à l’œuvre dans notre société. Ce colloque s’organisera autour de questions transversales, telles que : - Les définitions, enjeux et usages du concept de normes. Cela inclut les communications sur l’articulation entre les usages militants et scientifiques de la notion de normes : quelles congruences et quelles tensions suscitent-ils ? Si les disability studies (tout comme les ethnic studies, queer studies, feminist studies…) ont fait la démonstration de la vitalité d’un courant à la fois académique et militant, la question de l’assignation d’une finalité et de la valeur émancipatoire attendue de la recherche fait toujours débat. Nous nous intéresserons notamment aux réflexions épistémologiques et méthodologiques. - La conception et les objets de la recherche. Peut-on encore soutenir l’idée d’une recherche « neutre » sur le handicap ? Les standards académiques (notamment l’évaluation scientifique par les pairs) sont-ils perméables à un décentrement du point de vue valide ? Faut-il - et comment - identifier « d’où » on parle, et par quels dispositifs de recherche, mettre en lumière et dépasser nos impensés ? La participation de personnes directement concernées est aujourd’hui une voie importante choisie pour déjouer ces impensés et biais : comment réfléchir à ses enjeux et modalités (pratiques, éthiques, épistémologiques), à ses apports et leurs limites ? - Les discriminations fondées sur le handicap, l’état de santé, l’âge... Outre les discriminations directes, il s’agit aussi d’interroger les discriminations indirectes, les cadres de pensée présupposant une norme « allant de soi » centrée sur les valides-bien-portants, une distinction entre un « nous » et « les autres » – y compris dans des politiques dites « positives », « inclusives » ou « participatives » où l’égalité n’est pas toujours au rendez-vous. Le développement d’un droit de la non-discrimination est-il soluble dans les politiques du handicap construites en Europe depuis un siècle ? Ce sont encore les politiques d’accessibilité qu’il faut interroger avec ce qu’elles disent du déplacement (ou non) des normes de référence. Nous nous intéresserons notamment à la perspective intersectionnelle, et aux articulations entre catégories de dominations (valide, masculine, bourgeoise, blanche…) et entre différentes mobilisations émancipatoires (féministes, antiracistes, handicapées…) ? - Les conceptions des individus à l’œuvre dans nos recherches. La notion de norme reconduit-elle une distinction entre personnes handicapées/valides ou conduit-elle à questionner celle-ci ? Quelles définitions de la personne handicapée nous oblige-t-elle à repenser ? Comment les personnes concernées sont-elles désignées dans nos recherches (usagers, acteurs sociaux, informateurs, enquêtés, personnes handicapées, en situation de handicap, personnes vulnérables…), avec quelles implications ? La perspective ouverte permet-elle d’articuler différemment dépendance et autonomie ? Des ateliers et débats seront également organisés pour décliner cette réflexion en fonction de thématiques et domaines spécifiques de la vie sociale : - l’éducation, la formation et les débat relatifs à l’école inclusive ; - la place des personnes handicapées dans l’emploi et le travail ; - la vie affective, sexuelle, reproductive et familiale ; - l’accès aux loisirs et à la culture ; - les rapports au corps et l’accès à la santé ; - l’accessibilité et les mobilités ; - la vie à domicile et en établissement ; - les expériences et savoirs expérientiels du handicap ; - la vie politique et citoyenne, etc. Les recherches exposées peuvent porter sur la période actuelle ou adopter une perspective historique. Le comité scientifique privilégiera toutes les propositions présentant des résultats novateurs et originaux dans le domaine des recherches en sciences sociales sur le handicap. *COVID 19* : Les propositions en lien avec l’épidémie de COVID 19 sont également bienvenues. Elles peuvent s’inscrire dans la thématique spécifique du colloque ou porter plus largement sur des enjeux en lien avec le handicap ou les problèmes de santé chroniques. Dans quelle mesure la crise a-t-elle révélé ou conduit à redessiner les écarts de traitement social entre les personnes selon leurs caractéristiques de santé, de limitation fonctionnelle, ou de conditions de vie : par exemple, dans l’accès aux soins, les modalités de confinement, l’organisation du care autour de soi ? A-t-elle confirmé, durci ou déplacé les normes ordinaires mobilisées pour organiser des traitements différentiés (accès à la réanimation, organisation des établissements, mise à l’écart de certaines activités…) ? A-t-elle contribué à rendre visible des vulnérabilités plus largement partagées que ne laisse croire la référence à l’individu « valide » comme norme ? Dans quelle mesure les normes de vie ordinaire de certaines personnes avec des problèmes de santé chronique ou un handicap sont-elles devenues, de façon temporaire ou plus durable, des références pour l’ensemble de la population (notamment en prévention de nouvelles contaminations) ? Que produit l’attribution d’une étiquette « fragile » à toute une série de catégories de population qui ne se considérait pas nécessairement comme telle antérieurement (personnes en surpoids, personnes de plus de 65 ans,…) sur ces personnes, leur entourage, les professionnelles, les éventuelles mesures de protection/restriction ? Les propositions pourront analyser comment s’y sont manifestées toute une série de divisions et d’inégalités sociales (liées à l’état de santé, la précarité, au territoire, au lieu de vie, au genre, à l’origine…) qui peuvent se conjuguer.
Les langues du colloque seront l’anglais et le français. Les acteurs de la recherche juniors et seniors sont bienvenus. Avant d’envoyer votre réponse à l’appel à communications, il est nécessaire de créer un compte sur la plateforme Sciencesconf : Sciencesconf-Création de compte Les propositions de communications (titre, présentation brève des auteurs, résumé de 3 000 caractères maximum : indiquer la problématique, les méthodes et les résultats. Des éléments de bibliographie sont bienvenus) sont attendues pour le 1er octobre 2020. Merci de déposer vos propositions ici. Une réponse sera donnée en décembre 2020. Bibliographie indicative Bardeau, J.-M., 1977, Infirmités et inadaptation sociale–un regard politique sur l’infirmité, Paris, Payot. Campbell, F.K., 2001. Inciting Legal Fictions: "Disability’s" date with Ontology and the Ableist Body of the Law. Griffith Law Review, vol. 10, n° 1 : 42–62. Campbell, F.K., 2008, Refusing Able(ness): A Preliminary Conversation about Ableism. Journal Media/Culture, vol. 11, n°3. http://journal.media-culture.org.au/index.php/mcjournal/article/view/46. Campbell, F.K., 2008. Exploring internalised Ableism using critical race theory, Disability & Society, 23(2): 151-162. Davis, L.,1995, Enforcing Normality: Disability, Deafness and the Body, London, Verso. Feder Kittay, E., 2015, Quality of life and the desire for normalcy: Problems, prospects, and possibilities in the life of people with severe cognitive disability, ALTER, European Journal of disability Research, vol. 9, n° 3: 175–185. Goodley D., 2017, Dis/ability studies: theorising disableism and ableism, London, New York, Routledge. Shakespeare, T., 2006, Disability rights and wrongs, New York: Routledge. Tabin J.-P., Piecek M., Perrin C., Probst I., 2019, Repenser la normalité. Perspectives critiques sur le handicap,Lormont, Le Bord de l’eau. Watson, N. & Vehmas, S., 2016, Exploring normativity in Disability Studies, Disability and Society, vol. 31, n° 1: 1-16. Winance, M., 2004, Handicap et Normalisation. Analyse des transformations du rapport à la norme dans les institutions et les interactions, Politix, vol. 17, n° 66 : 201-227. Comité d’organisation : Bertrand Louis, EHESS, CEMS (FRE 2023-U1276) Brégain Gildas, CNRS, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Campeon Arnaud, EHESP, CoRHASI, ARENES (UMR 6051) Cuenot Marie, EHESP, CoRHASi Delourmel Véronique, EHESP (département SHS) Fillion Emmanuelle, EHESP, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Guevel Marie-Renée, EHESP, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Godeau Emmanuelle, EHESP, CoRHASI, Inserm-SPHERE (UMR 1027), ARENES (UMR 6051) Jaffrès Fanny, EHESP, CoRHASi, Cresppa-LabToP (UMR 7217) Mafféi Régine, EHESP (département SHS) Moreau Delphine, EHESP, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Payen Emeline, EHESP (département SHS) Pierre Kerri-Anne, EHESP (département SHS) Rapegno Noémie, EHESP, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Roussel Pascale, EHESP, CoRHASi Sopadzhiyan Alis, EHESP, CoRHASI, ARENES (UMR 6051) Valdes Béatrice, EHESP, CoRHASi, ARENES (UMR 6051) Ville Isabelle, EHESS et INSERM, CEMS (FRE 2023-U1276)
Comité scientifique : Baar Monika, Leiden University, Pays-Bas Baudot Pierre-Yves, Université Paris Dauphine, France Bertrand Louis, EHESS, CEMS (FRE 2023-U1276) Brégain Gildas, CNRS, France Brulé Emeline, University of Sussex, Royaume Uni Campéon Arnaud, EHESP, France Cuenot Marie, EHESP, France Dirringer Josepha, Université Rennes 1, France Fillion Emmanuelle, EHESP, France Gardien Ève, Université Rennes 2, France Godeau Emmanuelle, EHESP, France Godrie Baptiste, Université de Montréal, Canada Guével Marie-Renée, EHESP, France Jaffrès Fanny, EHESP, France Lejeune Aude, CNRS, France Marcellini Anne, Université de Lausanne, Suisse Mitra Sophie, Fordham University, Etats-Unis Moisdon-Chataigner Sylvie, Université Rennes 1, ESO (UMR 6590), France Moreau Delphine, EHESP, France Moscoso Melania, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC), Espagne Probst Isabelle, Haute Ecole de santé de Vaud (HESAV), Suisse Rapegno Noémie, EHESP, France Reaume Geoffrey, York University, Canada Revillard Anne, Sciences Po, France Sherlaw William, EHESP, France Sopadzhiyan Alis, EHESP, France Tabin Jean-Pierre, Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (HES-SO), Suisse Valdès Béatrice, EHESP, France Van Trigt Paul, Leiden University, Pays-Bas Ville Isabelle, INSERM et Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), France Winance Myriam, INSERM, France Wright Stephanie, University of Sheffield, Royaume-Uni
[1] Le terme de ableism est aussi parfois traduit par « capacitisme » ou encore « valido-centrisme », chacun de ces termes ouvrant des débats connexes sur les contours que l’on veut donner à la notion. Certains auteurs découplent cette notion de celle de disableism qui désigne plus précisément les discriminations à l’égard des personnes handicapées ; pour d’autres, cela est inclus dans la notion d’ableism, qui désigne un système qui prépare et légitime ces discriminations. |
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